Le Renversement de la Morale Chrétienne par les désordres du Monachisme avec 50 planches de moines "en pied" ! (fin XVIIIe siècle ?) un ouvrage rare et très peu (pas) étudié !
- Bertrand Hugonnard-Roche
- 27 août
- 3 min de lecture
Le Renversement de la Morale Chrétienne par les désordres du Monachisme est un livre rare : tous les bibliographes en conviennent. Mais c’est surtout un ouvrage énigmatique, auquel il valait la peine de consacrer un examen attentif.
Nous avons sous les yeux un exemplaire demeuré broché. Volume in-quarto non rogné (24 × 19 cm), il se compose d’un frontispice dépliant intitulé L’Abrégé du faux clergé romain. La légende de ce frontispice est en français. Suit une page de titre imprimée en français et en néerlandais, sans date, portant seulement l’adresse : « On les vend en Hollande, chez les Marchands libraires & Imagers. Avec Privilège d’Innocent XI. ». Vient ensuite un feuillet non chiffré imprimé au recto, en néerlandais (légende du frontispice traduite). La Préface en français occupe les pages 1 à 15, puis la Préface en néerlandais les pages 15 à 20. La pagination reprend à 1 pour aller jusqu’à 111. Cette seconde partie décrit les estampes 1 à 25, chacune accompagnée d’un quatrain satirique et d’un long commentaire en français, suivi de la traduction néerlandaise. Les planches 26 à 50 ne comportent plus qu’un quatrain satirique, uniquement en français. Enfin, l’ouvrage se conclut par une suite brochée de cinquante estampes représentant des « moines » en pied, dans un double encadrement noir. Le cartouche inférieur est resté vierge. L’exemplaire est conservé sous une couverture ancienne en papier marbré du XVIIIe siècle.
L’examen du papier révèle un vergé fin, à pontuseaux horizontaux, avec plusieurs filigranes non identifiés. Deux fleurons gravés retiennent l’attention : l’un, en cul-de-lampe à la fin de la Préface (p. 20), représente une ancre fichée dans un enchevêtrement de cordages ; l’autre, à la fin du texte (p. 111), figure un décor arboré dans le goût rocaille. L’impression (papier et typographie) suggère une production de la seconde moitié du XVIIIe siècle.
Que disent les bibliographies ? Pour être franc, elles s’y embrouillent. Et pour l’être davantage encore, il faut admettre que nous savons bien peu de choses sur cet ouvrage, et encore moins sur l’édition comportant les portraits « en pied » des moines. En réalité, il s’agit de deux livres distincts, que l’on confond volontiers.
Le premier, imprimé vers 1695 en Hollande, contient le texte en français et en hollandais, un frontispice dépliant dû à Romeyn de Hooghe, et une suite de cinquante planches à la manière noire, en médaillon, représentant les moines « en buste ». Ces planches, attribuées tantôt à D. Heemskerk de Haarlem, tantôt à Corneille Dusaert, passent pour un petit chef-d’œuvre de caricature anticléricale. Chacune est accompagnée d’un quatrain en français. L’ouvrage, dirigé contre les jésuites et plus largement contre tous les moines, est d’une virulence remarquable : « La préface en est écrite du style le plus amer », note un contemporain. La composition du volume est connue : 104 pages et 26 figures pour la première partie, puis 25 figures sans texte, suivies d’une table hollandaise. Ouvrage rare, mais surtout fort recherché, ce qui a contribué à son aura.
Le second ouvrage, souvent décrit à tort comme une « seconde édition », est en fait une entreprise différente, qui reprend seulement le texte et la page de titre (composés différemment). Nous l’avons décrit ci-dessus : les portraits sont désormais « en pied », gravés au burin et non plus en manière noire, sans qu’aucun nom de graveur n’ait été transmis. On a avancé l’hypothèse d’une impression suisse. Pourquoi pas ? Les fleurons relevés pourraient accréditer cette piste. Certains exemplaires auraient été tirés en sanguine, mais sans certitude quant aux tirages. Quant à la datation, elle oscille entre 1750 et 1780 selon les uns, et les premières années du XIXe siècle selon d’autres (hypothèse que nous écartons). Le frontispice est gravé en contrepartie de celui de 1695.
Il est frappant de constater que la critique se soit presque exclusivement concentrée sur le premier livre, en négligeant son cadet pourtant très désirable. Personne ne s’est vraiment soucié de ces cinquante moines en pied, dont l’iconographie, la technique et les conditions d’impression restent encore entièrement à explorer. La bibliophilie, parfois, se montre singulièrement myope. Notre exemplaire porte au crayon un prix ancien (fin XIXe siècle) : 300 francs, somme considérable à l’époque. En marge du titre figure aussi un petit chiffre couronné à l’encre, d’interprétation encore inconnue. Deux preuves que cet ouvrage était alors très recherché et prisé des bibliophiles.
Voilà pour l’état présent de nos connaissances. Nous donnons ci-dessous la suite complète des cinquante estampes de moines en pied pour le plaisir des yeux.
Bertrand Hugonnard-Roche
_________________________


















































Publié le mercredi 27 août 2025 par Bertrand Hugonnard-Roche pour le Bibliomane moderne
Tous droits réservés Bertrand Hugonnard-Roche | Librairie L'amour qui bouquine

Page de titre de l'ouvrage
Commentaires