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Une longue dédicace-confession par Edmond Haraucourt, à propos de La Légende des Sexes, publiée en 1882-1883.

Une confession littéraire tient parfois (souvent) du petit miracle.


Pour preuve cette dédicace écrite sur un feuillet volant de papier Japon et trouvée dans un exemplaire resté broché de la Légende des Sexes du Sire de Chambley alias Edmond H… c’est-à-dire Edmond Haraucourt.


Cette longue dédicace d’une page entière, miraculeusement préservée (elle aurait pu se perdre mille fois depuis la date à laquelle elle a été écrite, c’est-à-dire 1920.


En voici la transcription intégrale, à la virgule près :


« A Monsieur Edmond Perrot // On vous dit vrai, Monsieur. Il est exact que j’ai tenu, au sujet de ce livre, ce propos : « - Je ne le renie pas, je le date. » // Et je continue à penser de même sorte. On dit qu’un tel volume m’empêche et m’empêchera toujours d’entrer à l’Académie. C’est bien possible. Mais je ne rougis pas d’avoir été jeune. Je le regrette encore moins ; et si je devais à présent déplorer quelque chose, j’inclinerais plutôt à regretter, non pas d’avoir écrit ces vers, mais de n’être plus à l’âge où j’ai pu les écrire. [signé] Edmond Haraucourt // 1920 // Où j’ai dû les écrire ! Car je peux vous confesser un détail peu connu : ce recueil est né, morceau par morceau, en votre pays, dans le Forez, à Montbrison, espèce de cloître où j’ai vécu en 1878 et 1879, une existence de moine dont je m’accommodais assez mal : en sorte que ce livre est l’œuvre de ma chasteté ! »




Fac-similé de la dédicace autographe d'Edmond Haraucourt

Tous droits réservés Bertrand Hugonnard-Roche | Librairie L'amour qui bouquine

Mai 2025




L'information délivrée ici par Edmond Haraucourt mérite d'être vérifiée et étudiée de plus près. Ce que nous ferons prochainement.


Pour l'heure contentons nous de rappeler quelques informations au sujet de ce recueil de poésies érotiques qui fit date et qui reste dans la bibliographie de son auteur comme le portique principal et majestueux.


La Légende des Sexes est le premier ouvrage de l'auteur. Haraucourt a 26 ans lorsqu'il publie, le 15 avril 1883 (achevé d'imprimer de la première édition), de manière confidentielle, à 212 exemplaires seulement (il existe plusieurs contrefaçons publiées ensuite), ces poèmes hystériques, véritable "épopée du bas-ventre". "Donc, dans le coït, rien ; à côté, rien. Avons-nous essayé les premiers la force contractile du sphincter anal ? (...) Avons-nous inventé le travail des langues, et le baiser adultère des taureaux ou des cygnes ? Rien ! nous n'avons rient fait, et nous ne ferons rien ! Il ne nous reste qu'un espoir, qu'un rêve irréalisé encore : l'application de l'envahissante électricité au travail voluptueux de nos sens. Et même doutons-nous, misérables que nous sommes, dans notre espérance dernière : car peut-être l'amour et le désir ne sont-ils que ces phénomènes dynamo-électriques , nos sexes, des accumulateurs ou des piles chargés de voltes et d'ampères, et desquels jaillit, par l'approche d'un pôle contraire, la resplendissante électricité de l'amour. (...)" (extrait de la Préface).


Élaboré en contre pied de la Légende des Siècles du grand Hugo, ce livre eut le succès du soufre. Du coït des atomes en passant par le Sonnet pointu ou le Sonnet honteux, ce volume composé de 39 poèmes est une aventure textuelle au pays des libertés curieuses.




Pour mémoire, et pour le plaisir, donnons ci-dessous trois poèmes extirpés des entrailles de ce recueil aux senteurs viscérales ...



Sonnet honteux



L'anus profond de Dieu s'ouvre sur le Néant,


Et, noir, s'épanouit sous la garde d'un ange.


Assis au bord des cieux qui chantent sa louange,


Dieu fait l'homme, excrément de son ventre géant.


Pleins d'espoir, nous roulons vers le sphincter béant


Notre bol primitif de lumière et de fange ;


Et, las de triturer l'indigeste mélange,


Le Créateur pensif nous pousse en maugréant.


Et un autre…





Sonnet pointu



Reviens sur moi ! Je sens ton amour qui se dresse ;

Viens, j'ouvre mon désir au tien, mon jeune amant.

Là... Tiens... Doucement... Va plus doucement...

Je sens, tout au fond, ta chair qui me presse.

Rythme bien ton ardente caresse

Au gré de mon balancements,

O mon âme... Lentement,

Prolongeons l'instant d'ivresse.

Là... Vite !

Plus longtemps !

Je fonds ! Attends,

Oui, je t'adore...

Va ! va ! va !

Encore.

Ha !




La jeune



J'ai rêvé d'une vierge impécable, aux yeux froids,


Qui d'un bond, émergeant des moiteurs de sa couche,


Vient accrocher le poids de son corps à ma bouche


Et pointe sur mon coeur le roc de ses seins droits.


Longtemps, pieuse et chaste, elle a porté la croix


De l'orgueil vertueux que nul désir ne touche ;


Mais voilà que le rut s'est éveillé, farouche,


Et la chair en révolte a réclamé ses droits...


Elle plaque à ma peau la peau d'un ventre ferme,


Et furieusement crispée, elle m'enferme


Dans l'effort ingénu de sa lubricité.


Ses canines d'enfant mordent ma chair de mâle...


A moi, toute ! Et la fleur de sa nubilité,


Pourpre, s'épanouit sous l'onde baptismale.






Publié par Bertrand Hugonnard-Roche pour le Bibliomane Moderne

Mis en ligne le jeudi 15 mai 2025

Tous droits réservés

 
 
 

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