top of page

Octave Uzanne et le livre à l’Exposition Universelle de Paris en 1889 : les relieurs d’art.

[Article publié pour la première fois le 17 janvier 2012 sur le site www.octaveuzanne.com]

Revue de l'Exposition de 1889

2 volumes in-folio. Ici en reliure plein maroquin janséniste signée Marius Michel.

L’Exposition Universelle, qui vit naître au public la Dame de fer, cette monstrueuse tour Eiffel, si décriée et maudite par Guy de Maupassant qui préfèrera partir en voyage plutôt que d’en supporter la vue plus longtemps, s’est déroulée du 6 mai au 31 octobre 1889. Elle occupe cinquante hectares dans Paris : le Champ de Mars et le Trocadéro qui accueillent l’art et l’industrie aux pieds de cette tour de fer que tout le monde admire ou déteste déjà. Qui pouvait nous décrire avec autant de feeling le pavillon des relieurs d’art sinon Octave Uzanne ? Le fringant dandy bibliophile a 38 ans. Solidement installé dans le paysage bibliophilique de l’époque, il a déjà donné la plupart des volumes sur la mode, les femmes et ceux consacrés à l’histoire du livre et de la reliure. Il achève à la fin de cette année 1889 les dix années d’un travail bibliographique acharné à la revue Le Livre (1880-1889, 10 volumes de Bibliographie rétrospective et 10 volumes de Bibliographie moderne). Et il poursuivra avec bien d’autres encore. Octave Uzanne apparait ici encore une fois sans concession, sans faux-semblants, fidèle à lui-même, bibliophile farouche moderniste et pourfendeur des copieurs-rétrogrades. Il écrit : « Reléguée au premier étage, à la suite de la papeterie, dans l’un des angles du Palais des Arts libéraux, l’exposition de la Reliure n’attire guère que les Bibliophiles cosmopolites et les praticiens pareurs et doreurs de maroquin, qui aiment à constater les efforts progressistes de cet art dont la France peut si justement s’enorgueillir du XVIe siècle à nos jours, grâce au talent prestigieux des Eve, des Le Gascon, des Du Seuil, des Boyet, des Padeloup, des Thouvenin et des Bauzonnet-Trautz. Les vitrines sont peu nombreuses et trop perdues dans le milieu des expositions de la papeterie cigarière et les rouleaux pour appareils Morse. – La place a été mesurée et l’on peut regretter de voir tant d’éclatants chefs-d’œuvre sur maroquin si mal enveloppés par le cadre vraiment trop banal et très bazar de cette partie d’exposition d’art intime qui reste cependant si en dehors du profane. Les livres somptueusement vêtus veulent être vus et admirés dans le jour discret d’un cabinet d’amateur, avec la décoration artistique et bibelotière qui convient à ces délicats joyaux de maroquinerie ; les ors des petits fers ne sont point faits pour éclater au jour brutal des « montres » publiques, mais pour rayonner dans la pénombre des cabinets d’étude, parmi la soie, le velours, les bronzes et les couleurs anémiées des anciennes estampes. Ici, aux Arts libéraux, en dépit du vélum et des tentures des vitrines, la lumière est implacable et meurtrière pour tous ces cuirs ciselés et mosaïqués qui se portent déjà nuisance les uns aux autres par le seul rapprochement des styles, des manières et des procédés de facture. – Puis, ces vitrines en hauteur et à quatre faces de cristal ne sont point propices pour la mise en valeur de livres dont on ne voit plus que la carcasse, le corps du volume disparaissant souvent sous le pupitre d’appui. Il est donc assez malaisé pour un bibliophile délicat de n’être pas quelque peu choqué par l’installation générale de cette exposition particulière, et de ne point protester par esprit de libre critique et par sincère revendication de goût blessé, - ce que je fais ici, sans détours. En étudiant l’histoire de la reliure, on peut se convaincre qu’à chaque renouveau de siècle, cet art, qui semble résumer en un petit rectangle l’expression décorative d’une époque, a toujours suivi les transformations du livre, en s’identifiant au caractère idéologique, au mode et au style de la pensée qui s’y trouvait imprimée. – Depuis la reliure janséniste qui convenait aux écrits de Messieurs de Port-Royal, jusqu’à la reliure à la Du Seuil rutilante, comme la devise superbe nec pluribus impar ; depuis la reliure mosaïque, rococo et tout en emblèmes et enrubannements galants de la Padeloup, jusqu’aux combinaisons romantiques, gothiques et cathédralesques de Thouvenin, il est facile de remarquer que le style des petits fers à froid, à dorure ou à compartiments, à toujours marché de concert avec la mode littéraire et la mode capricieuse du costume et de l’art décoratif. Cependant, on peut émettre en principe que les grands amateurs ont toujours créé les grands relieurs, aussi bien que les maîtres dandys, de la suprême élégance, ont généralement inspiré les plus originales audaces dans la transformation de la mode masculine. Les Grolier, les Lavallière, les d’Hoym, furent des maîtres incontestés en élégances de bibliophilie affinée, et ils ne contribuèrent pas moins que Mme la duchesse du Maine, Mme la comtesse de Verrue et la marquise de Pompadour, - ces grandes coquettes de leurs livres, - aux heureuses combinaisons qui furent exécutées d’après leurs conceptions ou suivant leurs conseils sur tant de livres jalousement possédés, orgueils de nos modernes bibliothèques. – Faut-il penser que les grands amateurs de ces soixante dernières années n’ont pas été à la hauteur de leurs devanciers, ou doit-on conclure que le goût du livre, en se répandant davantage, en se démocratisant dans des classes moins dirigeantes, n’a plus inspiré d’aussi vives passions de ploutocratie distinguée ? Toujours est-il que, depuis Thouvenin et ses successeurs directs, l’ajustement du livre a cessé de suivre, avec ensemble et d’une même poussée, l’inspiration qui régit tous les arts somptuaires ; les plus experts ouvriers relieurs ne se sont plus efforcés de transfigurer l’ornementation extérieure des ouvrages de littérature nouvelle confiés à leurs soins, la recherche s’est arrêtée ; on a trop longtemps vécu sur les traditions du passé, sans rien innover dans le décor, dans l’expression des lignes, dans le contour des fers gravés ; on n’a point fait éclore un genre éminemment dix-neuvième siècle ; on ne semble pas avoir compris enfin qu’un livre moderne doit être relié d’une façon toute moderne, accommodé selon le goût du jour, vêtu d’un costume richement brodé selon l’esthétique actuelle, avec cette conception d’ornementation qui a pris son germe et son guide dans la flore nouvelle, dans la perspective des décorateurs d’extrême Orient et plus encore dans la simplicité exquise des ornemanistes japonais. On commence à peine la création d’une formule jusqu’ici assez mal dégagée. – Depuis quelques années, les relieurs se sont ralliés à l’idée de faire du nouveau, mais ce n’a pas été sans difficulté ; le souffle ardent de l’ancienne et bienfaisante corporation n’est plus là pour réunir tous les praticiens du même art sous le drapeau du progrès voulu et recherché en commun ; il y a les rivalités, l’esprit critique des tentatives individuelles, les jalousies mesquines, la peur de l’originalité trop vite confondue avec l’excentricité. Aussi chacun marche-t-il d’un pied boiteux, le regard inquiété par le voisin, le cerveau tyrannisé par la routine, en proie à l’angoisse d’aller trop vite et de dépasser le but. C’est par un sens de timidité, ou plutôt par un effrayant manque d’audace que, depuis cinqante ans, tous les relieurs de la métropole et du monde entier recopient sans fin les anciens modèles des derniers siècles, mélangeant les styles, fusionnant les genres, combinant un art décoratif hideusement bâtard qui stupéfiera assurément nos arrière-petits-neveux, si tant soit que ceux-ci s’occupent encore de l’enveloppe de nos pensées actuelles et de l’expression de cette enveloppe, sous des arabesques dorées. L’exposition des relieurs en 1889 est donc particulièrement intéressante en ce sens qu’elle témoigne d’un état d’art très spécial qui tâtonne encore et cherche une voie, mais dont, on le sent, sortira bientôt une école de reliure florissante qui imposera ses théories nouvelles aux deux mondes. Il est permis d’espérer que cette fin de siècle verra cet encourageant renouveau qui nous fera alors par la suite indulgenter la monotonie et la trop diffuse décoration routinière dont les plus éminents relieurs de ces derniers temps n’ont pas été suffisamment exempts. Six relieurs d’art ou de luxe ont campé leurs vitrines dans la classe X des arts industriels. Ce sont MM. Francisque Cuzin, Marius Michel, Lucien Magnin, de Lyon ; Ruban, Michel Ritter et Giraudon. – Je place en première ligne M. Cuzin, car, en raison même de l’éclat et de la beauté absolue de son exposition, il m’a toujours semblé de toute justice désigné pour la médaille d’honneur, qu’il vient du reste d’obtenir. – M. Cuzin a pris, auprès des bibliophiles les plus distingués de l’école contemporaine, la succession du célèbre Trautz-Bauzonnet. Je dirai même qu’il est plus hardi que le maître défunt, moins acquis au convenu et au poncif, moins réfractaire aux conseils éclairés des amateurs, et aussi, plus décorateur. Pour la mise en forme du livre, le choix des maroquins, la combinaison des plats, la richesse parachevée des doublures, la qualité merveilleuse des dorures et la sertissure des mosaïques, on ne peut, sans esprit de parti, lui refuser la perfection de l’exécution et la distinction du goût. M. Cuzin a exposé une dizaine de volumes hors ligne comme grâce et comme art de fin habillement bibliopégique. Parmi ceux-ci, je puis signaler la Pucelle, édition Cazin, reliure en superbe maroquin rouge tomate, avec dorure à compartiments Louis XVI. La doublure de maroquin bleu, à trois tons, forme une exquise mosaïque très douce en camaïeu, faite de guirlandes de roses et de petites fleurettes du style de l’époque, dont les fers ont été gravés exprès, et dont tous les filets, fleurs et feuilles ont été poussés un à un et de plusieurs facecs, ce qui donne un extraordinaire éclat à cette foisonnante dorure. Une autre série d’ouvrages remarquablement vêtus par M. Cuzin, ce sont les Œuvres de François Coppée, édition grand in-4°, Lemerre, 1883. Qu’on se représente un plein maroquin bleu de roi, avec dos et plats à compartiments de filets, la doublure de maroquin pourpre décorée d’une des plus extraordinaires dentelles dix-neuvième siècle qui aient été exécutées jusqu’ici. C’est vraiment une des meilleures reliures et dorures de M.Cuzin, dont je dois encore citer des œuvres de très haut goût combinées sur les Lettres persanes, Jouaust 1885, sur le Dernier Abbé, sans date, sur la Sylvie, de Gérard de Nerval, publiée par Conquet, sur Monsieur, Madame et Bébé, 1878, et enfin sur l’Origine des Grâces, 1777. La plupart de ces éditions si somptueusement vêtues appartiennent à M. Henry Béraldi, l’un des marquis de Carabas de l’iconophilie et de la bibliofolie modernes, un des amateurs soucieux de faire du neuf et aussi le plus malicieux des iconographes, dont on connaît le curieux ouvrage en cours : les Graveurs du dix-neuvième siècle, un dictionnaire considérable et qui rendra de grands services à l’avenir à tous les iconomanes, friands des œuvres gravées de ce temps. Quels que soient les éloges que nous décernions à M. Cuzin, nous ne prétendons point qu’il soit l’un de ceux qui se sont le plus avancés dans le sillon de la reliure moderne ; il y chemine, mais très lentement et non pas à l’avant-garde : aussi est-il à désirer qu’étant donnée son extrême habileté d’exécution, il s’affranchisse des copies rétrospectives pour se consacrer entièrement à des créations entièrement nouvelles et dignes de son talent. Je sais bien que sa situation l’oblige à beaucoup de prudence, que les livres qu’on lui confie sont anciens et trop précieux pour qu’on puisse risquer impunément de donner pour eux un faux coup de barre, mais M. Cuzin pourrait prendre sur lui de résumer les conceptions qu’il peut avoir et de mettre en pratique ses théories d’art indépendant sur plus d’un ouvrage de ce temps. – Je souhaite que par la suite il s’y consacre. MM. Marius Michel et fils arrivent presque ex aequo avec M. Cuzin qui les dépasse à peine de plusieurs filets. – et le jury a ratifié notre opinion en accordant à MM. Marius Michel le même diplôme d’honneur qu’à M. Cuzin. – On sait la grande notoriété de ces relieurs qui savent lutter par la plume et le crayon en faveur de leurs idées graphiques, et dont plusieurs ouvrages techniques ont déjà été publiés sur la reliure artistique et industrielle. – Avec une grande habileté de faire, un dessin généralement savant, une grande solidité dans la préparation du volume, MM. Marius Michel ont un grand souci de faire nouveau en persistant à s’appuyer sur la méthode et la logique mathématique des anciens. Ils argumentent sur les courbes, sur les lignes, sur les filets, sur les entrelacs, sur toutes les combinaisons de tracés imaginables et ils réalisent des plats qui sont impeccables comme pondération de décoration géométriquement voulue, mais dont la grâce légère et ce je ne sais quoi d’art qui s’appuie sur des riens, sont, à mon sentiment, trop souvent exclus. L’un des défauts de ces reliures est d’offrir un aspect trop lourd, par suite d’une série de cartons coupés en biseau et qui donnent la sensation des anciens ais de bois du quinzième siècle. – La décoration le plus souvent exécutée sur le premier plat – sans répétition sur le plat du dos – n’est pas toujours heureuse et évoque bien vite l’idée de ces albums de photographie très richement décorés et faits pour la table et le salon, alors que le volume est exclusivement fait pour être placé de champ, sur les rayons d’une bibliothèque, et non de plat, comme un bibelot, sous la glace d’une vitrine. MM. Marius Michel ont inventé cependant une reliure superbe et qui convient surtout aux livres du moyen âge et de la renaissance romantique, je veux parler du cuir incisé et ciselé, puis rehaussé de couleurs, dont ils nous donnent plusieurs spécimens d’une rare beauté sous leur vitrine si richement composée. La plus largement conçue revêt un exemplaire du Cantique des Cantiques. – L’Histoire des quatre fils Aymon, publiée par Launette, avec aquarelles de Grasset, a été également habillé par eux en fort cuir de bœuf damasquiné et ouvré d’arabesques magistrales ; c’est une merveille d’exécution et aussi de goût, et qui fait un véritable honneur à ces consciencieux et ingénieux chercheurs dans la voie des procédés retrouvés et remis au jour avec l’addition des connaissances acquises. MM. Marius Michel sont, du reste, familiers à tous les genres et ne dédaignent point les mosaïques jetées par tons à plat à la japonaise ; ils savent non moins sûrement exécuter une ornementation à filets entrelacés dans le genre Maïoli, et leur vitrine est d’une variété incomparable.

Sous les piles de la Tour Eiffel pendant l'Exposition de 1889. Octave Uzanne est dans la foule...

M. Lucien Magnin, de Lyon, encore inconnu à Paris, a, sous une petite vitrine d’un mètre carré, fait une exposition fort suggestive et qui mériterait bien de lui valoir une médaille d’or alors qu’il ne lui a été accordé qu’une médaille d’argent. – On peut aimer ou non la manière de « relieur mosaïste », inventée par M. Magnin, mais il est hors de doute que cet ouvrier d’art – en dépit d’un manque de fermeté dans le poussé de ses dorures – tient la tête de cette exposition, sinon par l’exécution souvent fautive, du moins par l’originalité ou la hardiesse de ses compositions décoratives et par le curieux procédé de ses mosaïques ombrées et dégradées au pinceau par des moyens de coloration d’une solidité à défier le temps et le soleil. – Ses reliures exécutées sur la Mireille de Mistral, édition Hachette in-folio, avec les figures mosaïquées de Mireio et de Vincèn sur les plats ainsi que la décoration polychrome du cadre, est absolument nouvelle. Sa doublure maroquinée et multicolore de Paul et Virginie est éblouissante comme un vitrail moderne ; enfin, ses deux reliures extraordinaires qui enveloppent la Française du siècle et Son Altesse la Femme sont d’une exécution ornementale très riche, très brillante et surtout entièrement nouvelle. Je voudrais m’étendre davantage sur l’exposition de M. Magnin, qui pourrait servir de point de départ à une longue étude sur la reliure d’art de demain, mais je ne dois pas oublier que je dois ici concentrer mes idées en colonnes et non les développer en tirailleuse. Ce pourquoi je me condense. M. Ruban, l’un des derniers venus parmi les préparateurs de maroquin plein, est en train de former sa réputation à Paris aussi bien que dans les deux Amériques. C’est un jeune, un actif, un fringant, prêt à s’élancer sur la moindre piste où l’entraîne le collectionneur. Il comprend, il saisit d’un mot et ne se refuse à rien sous l’éternel prétexte réduit en niaise formule, que ça ne s’est jamais fait. – Il expose une Dame aux Camélias, reliée « à l’emblème », avec un léger bouquet de la fleur préférée par Marie Duplessis, fleur dont les pétales et les feuilles sont fort joliment mosaïqués ; sa reliure du Miroir du monde, très sérieusement exécutée, est d’une grâce absolue, mais ce qui me frappe le plus dans ma profonde révolte contre la tradition, ce sont les plats de ses maroquins avec appliques de médaillons anciens, miniatures féminines larges comme l’ongle d’un pouce, et ses petits bronzes japonais, éventails et papillons sertis dans le cuir même et s’harmonisant délicieusement avec l’ornementation de la dorure. M. Ruban avait droit à tous les encouragements du jury et à tous les éloges des amateurs ; il lui a été accordé une médaille d’argent. Il laisse concevoir des manières nouvelles vers lesquelles MM. Edmond de Goncourt, Popelin, Philippe Burty et moi-même avons souvent poussé les ouvriers relieurs, et qui consistent à marier au maroquin les émaux, les miniatures sur ivoire, les médailles anciennes, les broderies d’Orient et toutes les curiosités délicatement ouvragées et rares qui peuvent s’incruster dans la peau avec un très léger relief en plus. La vitrine de M. Michel Ritter a de grandes prétentions à l’effet et attire tout d’abord le visiteur, mais elle ne justifie son éclat trompeur ni par le bon goût, ni par l’exécution, ni même par l’innovation. M. Ritter fait le cuir ciselé d’après le procédé de MM. Marius Michel, mais combien inférieur ! Il fait des mosaïques comme M. Magnier, mais quel tour déplorable ! il emprunte aux uns et aux autres, mais il ne sait rien personnifier avec une supériorité caractéristique. Je mettrai cependant hors de cause chez lui un maître ouvrier ciseleur sur cuir, M. Charles Meunier, dont quelques spécimens d’ornementation sont dignes d’intérêt. Je ne parlerai de M. Giraudon que pour mémoire. M. Giraudon est un maroquinier pour la fashion et l’exportation beaucoup plus qu’un relieur d’art ; la plupart des ouvrages qu’il expose ont été exécutés il y a douze ans, par un relieur de très réel mérite et de haute originalité, M. Amand, aujourd’hui retraité, dont M. Giraudon a repris le fond et la clientèle. Ces reliures de M. Amand avaient déjà été exposées en 1878. – Comment le jury d’admission en a-t-il accepté le placement à l’exposition actuelle et leur a-t-il accordé une médaille de bronze ? Il me reste à résumer ces notes hâtives. – L’exposition des relieurs en 1889 montre des chefs-d’œuvre inspirés par l’art des prédécesseurs des XVIIe et XVIIIe siècles, mais elle ne fait que donner des promesses pour la création d’un genre indiscutablement nouveau et d’un style d’allure toute moderne. On ne saurait donc trop engager les bibliophiles, qui sont gens de savoir et de goût, à tenter des coups d’audace pour la reliure de leurs livres modernes. – C’est d’eux, en définitice, que dépend la solution de la question, car les relieurs font moins ce qu’ils veulent que ce qu’il leur est ingénieusement commandé et pour ainsi dire imposé, avec la perspective de voir leur labeur largement rétribué. Il n’est point de mosaïques, d’effets nouveaux, de petits fers originaux, de gravures finement exécutées, sans argent largement dépensé. Les collectionneurs soucieux de leur renom ne doivent pas hésiter à se lancer dans l’individualisme absolu de leurs reliures. – Ce sont les grands amateurs, je le répète, qui toujours ont créé les grands relieurs ; Grolier, Longepierre, d’Hoym, Lavallière et tant d’autres passionnés de leurs bibliothèques, et c’est à leur initiative ardente que nous devons les beaux livres qu’ils nous ont légués. Signé Octave Uzanne. »

Dîner dan les jardins de l'Exposition.

In Le Livre, Bibliographie moderne, dixième année, dixième livraison, n°118, 10 octobre 1889, pp. 481-486. (cet article avait paru pour la première fois dans le journal l’Illustration quelques semaines plus tôt). Bertrand Hugonnard-Roche

Posts à l'affiche
Posts Récents
Archives
Rechercher par Tags
Retrouvez-nous
  • Facebook Basic Square
  • Twitter Basic Square
  • Google+ Basic Square
bottom of page