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Anecdotiana Bibliophiliana : Le Bibliophile et sa servante, par Octave Uzanne (Le Livre, 10 février


Le Bibliophile et sa servante. (*) - Fréquemment on rencontre sur les quais des gens qui modifieraient volontiers le mot de Richard III, et qui s'écrieraient: « Un bouquin ! Un bouquin ! Mon royaume pour un bouquin ! » Les « bouquineurs » sont les héros d'une foule d'anecdotes, en voici une qui vient d'être rééditée : « Un célibataire frisant la cinquantaine était un amateur passionné de bouquins. Une vieille servante prenait soin de son intérieur. A force de ranger et d'épousseter la bibliothèque de son maître, Augustine fut prise d'une folle envie de lire. La voilà donc dépensant tous ses gages à s'acheter des livres. « Et, chose curieuse, c'était aussi de vieux livres qu'elle lisait. Une après-midi, un peu avant le dîner, elle arrive avec un paquet d'ouvrages acquis à la cour des Miracles et à la grande Truanderie des livres parisiens ». Par curiosité, le maître feuillette les bouquins. Tout à coup, sa face s'illumine. « Combien as-tu payé ça ? dit-il en montrant un volume piqué outre mesure. « - Quinze sous, répond Augustine. « - Quinze sous. Mais cet ouvrage vaut vingt mille francs, s'écria le bouquineur. « II réfléchit trop tard qu'il venait de dire une bêtise. « En vain, il essaya de se reprendre. » « - Je te l'achète cinquante francs ? demanda-t-il. « - Monsieur m'a dit qu'il valait vingt mille francs. « Augustine était rusée. Le bouquineur alla jusqu'à 1,5oo francs. C'était une première édition, très rare, de Montaigne. Il eut beau marchander, sa servante ne voulait pas rabattre un radis des 2o,ooo francs. Cette somme était difficile à débourser ! La nuit, le bouquineur rêvait du Montaigne. « Bientôt, il ne put plus résister. A tout prix, il lui fallait le bouquin. « Cette fille me soigne bien ; elle parait avoir la même passion que moi, se dit-il un matin où il était plus obsédé que jamais. Pourquoi ne l'épouserais-je point ? J'aurais ainsi mon Montaigne. « Et il se maria avec sa servante qui apportait un bouquin en dot. » (*) Le Livre, 10 février 1887, livraison n°86, pp. 97-98, Gazette bibliographique tenue par Octave Uzanne.

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